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Le cri de la salade

A la demande de mes ami(e)s, je me lance à partager quelques variations épistolaires.

Un homme seul - partie 3

Ce que je suis bien ! J'aime ce premier moment du petit matin, celui où tout est calme, rien ne bouge, ni dedans, ni dehors. Les voisins sont silencieux en ce dimanche matin, il est fort probable qu'ils dorment encore. Ils ont la chance des grasses matinées tardives, ce qui n'est pas mon cas. Pour autant, je n'attaque pas la journée aussitôt mes yeux ouverts.

Je prends le temps de sortir de mon lit pour une petite vidange obligée, réglée comme du papier à musique, dès l'ouverture des yeux, je n'y échappe pas. Mais qu'importe, après avoir trotté à pas menus jusqu'aux toilettes puis poussé jusqu'à la cuisine pour y laver mes mains à l'eau glacée, je repars rapidement vers mon lit. Hum ! J'ai eu froid à me lever sans ma robe de chambre alors que la température de la pièce s'est refroidie en raison du froid extérieur de cette nuit hivernale. Je me glisse de nouveau sous la couette en un remake du coucher. Le lit a encore un peu de ma chaleur nocturne, j'envahis tout l'espace à nouveau puis me tourne d'un côté et de l'autre, la couette remontée jusqu'au menton. Je me prélasse quelque peu, c'est dimanche, j'ai bien le droit de faire la grasse matinée à ma façon !

Je repense à ma soirée, à ces amis avec lesquels j'ai partagé des discussions un brin légères et surtout, rieuses. J'en souris encore. Et puis je me souviens de cet inconnu, cet homme qui dînait seul à sa table. Qui était-il ? Je n'en saurai jamais rien, mais c'est ainsi. La vie est faite de rencontres, parfois durables, parfois fugaces. D'ailleurs, peut-on parler d'une rencontre pour un homme que je n'ai fait qu'observer discrètement ?

Mon téléphone vibre, un message m'arrive. J'allume ma lampe de chevet, attrape mes lunettes et intercepte mon appareil avant qu'il ne tombe en raison d'un geste légèrement trop brusque. Ouf, j'ai même des réflexes au petit matin. C'est ma fille qui m'informe de ne pas m'inquiéter, elle ne rentrera pas dormir. Je suis ravie de l'apprendre, étant donné que la nuit est déjà terminée. Encore une des joies des réseaux de téléphonie mobile imparfaits. Je lui réponds d'un simple ok, pas la peine de s'étaler, elle doit dormir du sommeil de la jeunesse, profond et réparateur.

Pendant que j'ai mon téléphone entre les mains, j'en profite pour faire un petit tour sur les réseaux sociaux sur lesquels je suis inscrite. Faut pas rêver, nous sommes toujours le dimanche matin et à part quelques lèves-tôt, comme moi, l'activité est proche du zéro végétatif. N'ayant toujours pas envie de sortir de mon lit, je passe sur un jeu installé sur mon portable et me ramasse quelques défaites d'affilées. Cela va très vite, je n'ai plus de vie disponibles, il me faut cesser. J'hésite un peu à prendre un livre mais je sais l'opération dangereuse. Une fois dedans, je vais vouloir aller au bout de ma lecture et, hormis le délice que cela va m'occasionner de partir dans une nouvelle aventure, je sais que je ne peux me permettre de passer la journée au lit. Alors puisqu'il faut bien toucher le raisonnable du bout des doigts, je me décide enfin à sortir de mon lit, rejetant la couette en travers.

Je me dirige vers la salle de bain, j'hésite entre le lavabo ou la douche, c'est finalement la douche qui l'emporte, c'est si agréable cette eau chaude qui se répand partout sur mon corps. Cinq minutes suffisent puisque j'évite de me laver les cheveux. L'opération la plus délicate et désagréable reste la sortie de la douche et la réaction de mon corps à la température de la pièce qui n'est pas conforme aux 38 petits délicieux degrés de l'eau qui m'a réchauffée quelques minutes. Sortir de la douche, c'est un peu comme sortir du lit, la même torture, le même cruel abandon d'un confort très personnel.

Je m'enroule dans ma serviette pour affronter le froid, l'espace de quelques instants. Puis, c'est ma robe de chambre qui m'accueille généreusement et que je referme sur moi, l'attachant à l'aide de la ceinture. Je me dirige vers le miroir afin d'y terminer les préparatifs matinaux d'une remise en état succinct de la marchandise. Ah oui ! Quand même ! La nuit est là, inscrite sous mes yeux cernés et cette fois, je ne me trouve plus l'allure d'une reine. Qu'importe ! Vu mon programme de la journée, cela ira bien ainsi.

Un gargouillement dans mon ventre me rappelle à l'ordre, le petit déjeuner attend depuis suffisamment longtemps et cela ne saurait durer plus longtemps. C'est donc dans la cuisine que je me retrouve, un bol partiellement empli de céréales avec du lait et je m'installe devant ma fenêtre à regarder la nature endormie par le froid. J'avais eu le sentiment que l'hiver était enfin avec nous cette nuit, mais cela se confirme. Je vois les vitres des voitures qui n'ont pas couché dans le garage, elles sont couvertes de givre et l'herbe devant l'entrée est blanche tout autant sans qu'il ne s'y trouve de neige. Il va me falloir m'habiller au mieux pour sortir, si je ne veux pas prendre froid.

Un chat courageux traverse devant ma fenêtre, c'est Sushi, le félin quasi domestiqué qui n'appartient à personne et à tout le monde. Il doit partir à la recherche de son petit déjeuner, lui aussi. Chez qui ira-t-il le déguster aujourd'hui ? Il semble que ce soit chez moi, je le vois qui se dirige vers ma fenêtre, il a dû me repérer. Le bougre, je vais devoir ouvrir et faire entrer de l'air frais. Mais la pauvre bête a l'air toute miséreuse et je ne sais résister. Je lui entrouvre donc rapidement ma fenêtre et le laisse pénétrer, méfiant malgré son ronronnement déjà en marche. Il saute au sol et vient se frotter puis s'enrouler contre mes jambes. C'est frais ! Je me penche pour lui faire une petite gratouille sur le haut du crane et je vais prendre les croquettes qui attendent son bon vouloir. Il est affamé. Je me demande s'il a passé la nuit dehors ou s'il a réussi à trouver un hébergement, je penche pour la seconde solution, il est malin, l'animal. Et il est pressé en prime puisqu'il me pousse la main pour que je m'active, ce que je fais en lui versant une rasade de nourriture, un peu plus que prévu d'ailleurs car je ne vois pas ce que je fais, il est si pressé de goûter son repas qu'il me bouche la vue. Je range les croquettes et me réinstalle devant ma fenêtre pour finir mon petit déjeuner.

Posant mon coude sur la table et ma main soutenant mon menton, le dos voûté, je me prends à rêvasser. J'imagine la neige qui recouvrirait le sol, la pelouse blanchie et les empreintes de Sushi qui trahiraient cette blancheur immaculée par de petits trous à égales distance. Je vois déjà le bonhomme de neige réalisé par les enfants du 3ème, le bonnet sur sa tête et la carotte en guise de nez, j'entends la nonagénaire d'en face nous raconter ses souvenirs du temps ou les hivers ressemblaient tous à de vrais hivers, froids et enneigés. Et je me souviens de ma fille, lorsqu'elle était encore une petite fille malgré ses 14 ans, se coucher au sol pour y dessiner un ange, puis se relever et me narguer avec sa boule de neige, avant de recevoir la mienne en pleine tête. Que de doux souvenirs.

Je secoue ma tête, il est temps de revenir à la réalité. Je débarrasse mon bol que je rince avant de le glisser dans le lave-vaisselle. Sushi a terminé lui aussi bien qu'il ne débarrasse rien. Il est parti se coucher sur le bord de la fenêtre du salon, la chaleur du radiateur a sa préférence. Comme je le comprends.

Il est grand temps de se bouger, j'entends que la vie redémarre tout autour de moi, les gens se réveillent et commencent à s'activer. Je m'habille chaudement, puis je prends mon sac à dos et de l'argent, enfile mes chaussures et me voici dehors, porte fermée derrière moi. J'ai une bonne marche à faire pour arriver à mon magasin de primeurs, c'est une petite habitude que je tente de prendre, l'occasion de faire un peu de sport dans cette vie que je passe si souvent derrière le volant d'un véhicule.

Le froid est vif, un léger vent cingle mon visage. Je remonte mon écharpe, installe mes écouteurs dans mes oreilles et choisi dans mon répertoire une chanson vive et revigorante d'Eddy Mitchell. Et c'est parti pour une promenade utile de deux heures.

Je sens mes joues qui rosissent, mes yeux coulent un peu, il faut un peu de temps pour que mon corps s'adapte, après la douce et chaude quiétude de la maison. Mais rapidement, la température de mon corps augmente pour compenser le froid et me voici presque en nage. Puisque le sol est gelé, j'ai décidé de passer par les raccourcis, le bois et les champs ne m'offriront aucune résistance et la terre sera bien dur, ce qui m'évitera de revenir toute crottée, comme la dernière fois.

Qu'est-ce que j'aime ce genre de balade, seule en harmonie avec la nature. Oui je sais, l'harmonie n'est pas complète puisque je ne suis pas à l'écoute, mais je suis droguée à la musique, et puis, les oiseaux ne chantent pas aussi, je ne perds rien, rien que le silence.

Tout d'un coup, un gros machin blanc passe devant mes yeux, tout en douceur. Je relève la tête et c'est sur le nez que je reçois le flocon suivant. Il neige ! D'énormes boules de coton humide et froid descendent du ciel en tourbillonnant avec légèreté. Je m'arrête et j'admire la valse de cette neige inattendue qui s'éparpille partout autour de moi et sur moi. Le vent doux à mon départ a légèrement forci et entraîne les flocons qui s'entremêlent sans gène aucune. La visibilité a chutée considérablement en un temps record, le ciel s'est assombri. Je devine plus que je ne vois, les arbres de la forêt proche. Quel plaisir ! Que c'est beau ! La nature est merveilleuse de surprises sans cesse renouvelées. Lorsque j'arrive à la forêt, mes cheveux sont devenus blancs de flocons qui ne fondent pas. Je secoue ma tête pour m'en débarrasser et j'entre sous la cime des grands arbres. C'est un autre monde. La neige ne pénètre plus, je suis protégée. Je poursuis ma marche à travers la forêt avant d'en ressortir juste à côté de mon primeur. Je découvre son parking tout enneigé et quelques rares véhicules recouverts d'une petite épaisseur de poudre blanche. Les gens que je croise semblent heureux de cette neige soudaine et inattendue.

A l'intérieur du magasin c'est le retour à la civilisation, bien qu'un certain calme règne pourtant. Il fait sombre. C'est rapidement que je réalise mes achats de saison et que je recharge mon sac sur mon dos pour repartir vers mon domicile. Ma fille ne devrait pas tarder à rentrer, si ce n'est déjà fait et j'ai envie de partager le repas de midi avec elle.

La marche du retour est plus active, moins balade cette fois. La neige est merveilleuse, mais lorsque l'on n'est pas équipé pour l'affronter, elle est désagréable dans son côté obstiné à vouloir fondre et à se transformer en eau, et l'eau c'est bien connu, ça traverse les vêtements inadaptés et finalement, ça mouille. Je ne tiens pas à m'enrhumer suite à cette petite promenade dominicale.

Une fois chez moi, je dépose mes courses dans la cuisine et je vois arriver ma fille qui a troqué sa jolie tenue de la veille au soir pour un confortable pantalon de survêtement et un gros pull tout doux. Elle vient me prendre dans ses bras afin de partager un gros câlin avec moi. Ça c'est agréable aussi. Mais elle se retire vivement et je n'ai pas le temps d'en profiter. Elle grimace et me reproche d'être mouillée. Qu'à cela ne tienne, je lui laisse le soin de ranger les fruits et légumes et je m'en vais me sécher et me changer confortablement, moi aussi.

A mon retour, nous reprenons le câlin où nous nous en étions arrêtées puis nous discutons un moment sur sa soirée et la mienne. Ma fille se propose pour réaliser le déjeuner, c'est avec grand plaisir que j'accepte et que je m'installe pour la regarder faire.

Soudainement, je ne sais pas pourquoi, je me souviens de ce petit papier déposé entre mes essuie-glaces et mon pare-brise aussi j'abandonne ma fille pour enfiler mon manteau toujours humide et d'autres chaussures. Je me retrouve rapidement au garage et je récupère le papier que je rapporte à l'appartement. Je me déchausse et retire ce manteau désagréablement froid, puis me dirige vers le salon afin d'y trouver mes lunettes et déchiffrer ce prospectus qui n'en est pas un, finalement.

Quelques mots manuscrits :

ALICE EN SON TEMPS S'EST PERDUE EN NE CHERCHANT RIEN

TIC-TAC TIC-TAC

UNE ROBE ROUGE SUFFIRA-T-ELLE

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