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Le cri de la salade

A la demande de mes ami(e)s, je me lance à partager quelques variations épistolaires.

Un homme seul - partie 4

Je relis les quelques mots tracés à l'encre noire. Des lettres majuscules régulières penchées légèrement sur la droite.

Je n'y comprends rien ! Qu'est-ce que cela veut dire ? Alice en son temps s'est perdue en ne cherchant rien... Une robe rouge... J'étais en robe rouge hier soir, mais à part ça, je ne vois vraiment pas de quoi il s'agit. Pendant que je me creuse la tête à tenter de comprendre ce charabia, ma fille m'interpelle et me demande de venir manger, puisque tout est prêt. Je dépose le curieux papier dans le tiroir de mon secrétaire en me promettant d'y jeter un œil plus tard puis je passe à table.

Le repas est délicieux, une entrée à base d'avocat et de mangue et un one pot pasta dont elle a le secret, coloré et goûtu. Ma fille, en fin gourmet reconnu, prend toujours le temps de cuisiner de bonnes choses. Le dessert, bien que tout en simplicité, est lui aussi un régal avec ses fruits acidulés. Nous discutons de choses et d'autres tout en admirant par la fenêtre de la cuisine, le manteau blanc qui recouvre le jardin. Les enfants du 3e ont déjà réalisé leur bonhomme de neige qui porte bien le bonnet et la carotte, tels que je l'avais imaginé ce matin en prenant mon petit déjeuner. Ils ont trouvé des cailloux pour faire des yeux sur sa boule de tête et des boutons à sa chemise imaginaire. Un balai complète l'équipement. Le bonhomme de neige n'est pas très grand, mais il égaye agréablement ce tableau hivernal. Les gamins ne sont pas restés longtemps dehors, rappelés rapidement par les parents qui sont directement venus les chercher, se doutant que leurs enfants feraient de la résistance. Ils ont profité de ce déplacement pour prendre des photos, probablement déjà postées sur les réseaux sociaux, pour la famille et les amis.

Sushi a sorti le museau de son sommeil et s'étire à nos pieds. Il se pose sur son séant et reste à nous regarder sans bouger. Puis il émet un miaulement de réclamation, il veut sortir. Je me lève et lui ouvre la porte, il se précipite et s'arrête aussitôt, surpris par ce sol qui n'a plus ni sa couleur ni sa texture d'origine. Il marche précautionneusement, nous le regardons faire depuis la cuisine. Puis, comme si un brin de folie lui était tombé dessus en même temps qu'un flocon, le voici qui saute et cherche à attraper tout ce qui vient du ciel. Nous éclatons de rire à sa vue. Il a dû nous entendre puisque les murs ne sont pas bien épais et, vexé, il se sauve loin de nos regards amusés.

Nous saisissons cet intermède accordé par le chat pour débarrasser la table au profit du lave-vaisselle que je mets en route puis nous nous équipons tant bien que mal pour sortir et profiter de la première neige de la saison. Sait-on jamais, c'est peut-être aussi la dernière alors c'est le moment ! Nous attaquons une petite promenade, juste pour entendre la neige crisser et se tasser sous nos pas. Nous sommes les premières à en profiter, c'est si beau ce sol totalement recouvert et immaculé. C'est un sentiment de premier pas sur la Lune qui nous assaille, nous sommes les Neil Armstrong et Edwin Aldrin en ce 21 juillet 1969, ou presque. Pendant que je rêvasse aux étoiles, une attaque sévère est fomentée par ma fille et me voici sous le feu de ses munitions lâchement préparées dans mon dos. Touchée, je m'écroule sur le sol et ma fille se précipite sur moi pour m'achever. J'abandonne, c'est elle la plus forte ! Allongées, nous nous retournons toutes deux pour voir tomber du ciel nuageux, les derniers flocons. C'est magique ! Mais le froid et l'humidité nous rattrapent aussi nous décidons de rentrer, un bon chocolat chaud sera le bienvenu.

Au sortir du petit chemin que nous avions emprunté, nous croisons de rares véhicules qui roulent au ralenti. Pas de chasse-neige ici ou de services municipaux qui viendraient saler le sol pour faciliter la circulation, nous ne sommes pas dans une zone prioritaire. Et puis, c'est dimanche, tant que l'on peut, autant éviter d'utiliser sa voiture.

Près de la grille d'entrée, à quelques mètres en aval, se trouve une luxueuse voiture aux vitres opaques, garée sur le bas côté. Je m'interroge sur la présence de ce Range Rover. C'est peut-être un ami du nouveau locataire qui a emménagé il y a moins d'une semaine. Il a pris possession du F2 devenu trop petit pour les anciens occupants à l'occasion de la naissance de leur premier enfant. Je ne l'ai pas encore rencontré, je crois qu'il travaille de nuit, mais je n'en suis pas certaine. En tout cas, il est très discret, je n'entends rien provenant de chez lui et ses volets sont toujours fermés, pour le moment.

Nous arrivons devant la maison, j'ouvre la porte et nous nous ébrouons avant d'entrer afin d'enlever les restes de neige sur nos manteaux et nos chaussures. Je prépare notre boisson chaude, du lait dans lequel je mets à fondre tout doucement les morceaux de chocolat noir. Je mélange intimement puis je coupe le feu dès qu'il ne reste plus le moindre morceau. Je sors les grandes tasses que je pose sur un plateau puis je verse le chocolat fumant. L'odeur est exquise, j'en salive d'avance. Je me rends au salon afin de m'installer dans le sofa, ma fille me rejoint bien vite, par l'odeur alléchée. Nous regardons par la fenêtre, la neige a fini de tomber, déjà. Je souffle sur mon chocolat, il est brûlant, mais c'est réconfortant et régressif. C'est un sentiment de retour en enfance qui m'assaille, lorsque ma mère me consolait avec cette boisson chaude, après une chute sur les graviers de l'allée de notre maison familiale. Ce chocolat était toujours suivi d'un grand câlin dont nous profitions pleinement.

J'allume la télévision sur une émission sans prise de tête, l'idéal du dimanche après midi après une courte nuit. Si l'on s'endort en le regardant, c'est sans regret. A se demander si ces programmes ne sont pas conçus spécifiquement pour, tels des « Bonne nuit les petits » des temps modernes.

Et je crois bien que je me suis endormie la première, ma fille accrochée à son téléphone portable plus qu'au téléviseur, a résisté plus longtemps. Mon sommeil n'est pas des plus paisible, je rêve d'une robe rouge qui tourne sur une Alice trop petite pour la porter. Puis une montre qui court et saute après des flocons de neige pendant qu'une lumière vive trace son ombre gigantesque sur un mur inconnu. Une voix s'adresse à moi, mais je ne comprends pas ce qu'elle susurre à mon oreille bien que cela me fasse peur. Alice s'enfuit, pourquoi ? Je ne lui veux pas de mal, il faut qu'elle revienne pour m'expliquer !

C'est pâteuse que je m'éveille de cette sieste si peu reposante. Ma fille a quitté la pièce, partie dans sa chambre et probablement occupée à des activités toutes personnelles. Je me lève et m'étire un peu avant de me rendre à la cuisine pour vérifier le cycle du lave-vaisselle. Il est terminé depuis longtemps, je range après un petit coup de torchon sur ce qui est encore humide. Ce soir nous ne dînerons pas, je pense, car entre le déjeuner tardif et le chocolat chaud, la faim n'est pas au rendez-vous.

La nuit est tombée bien qu'il ne soit que 18 heures. Les réverbères de la résidence donnent une lumière particulière à la neige.

Je me dirige vers mon bureau, il me faut préparer ma semaine de travail ainsi que ma valise, je pars en déplacement pour quelques jours en Vendée, l'occasion d'y retrouver un vieil ami quelque peu perdu de vue. Je me régale d'avance à l'idée de tout ce que nous aurons à nous dire.

Le réveil se déclenche déjà, une douce mélodie qui s'intensifie au fur et à mesure pour me signifier qu'il est 5 heures. C'est lundi, plus question de traîner au lit comme la veille, confort ou pas, plaisir ou non, il faut se lever rapidement et se mettre en jambe pour le départ. Mes affaires préparées la veille au soir me font gagner du temps et très vite, je suis sur le pas de la porte. Ma fille dort encore, il lui reste encore plusieurs heures pour profiter de son sommeil, ses cours ne commencent que tardivement, vive la fac. De toute façon, elle est habituée à mes absences et au fil du temps elle est devenue totalement autonome.

Chargée de ma valise à roulettes, je me dirige vers le garage et ma voiture. La neige a fondu, Sushi est déjà dehors à traîner. Il est partout, l'animal, on croirait qu'il ne dort jamais, drôle de chat.

J'installe ma valise sur le siège arrière puis monte dans la voiture que je préchauffe légèrement avant de reculer pour sortir du garage. La place n'est pas large autour du véhicule, aussi je manœuvre doucement. Petit quart de tour et me voici en direction de la sortie. J'attends que la porte du garage se soit refermée et je me dirige vers la grille que je m'empresse d'ouvrir. Et c'est parti pour un petit quart d'heure de route avant d'arriver au boulot. Je n'allume pas la radio, ce matin j'ai envie d'un peu de silence et puis de toute façon, il y a plus de publicités et de bavardages inutiles que de chansons.

La circulation est fluide à cette heure nocturne, mais cela va s'intensifier très rapidement.

Arrivée à l'atelier, le chef mécanicien me tend les clés avec les recommandations d'usage et un peu plus. Un brin sexiste, il est toujours inquiet quant il voit partir ses bébés aux mains d'une femme, même s'il ne veut pas l'avouer, préférant parler de paternalisme. J'ai déjà constaté que mes collègues hommes obtenaient plus rapidement leur véhicule et qu'ils partaient presque avec une tape dans le dos. Qu'importe, j'écoute ses recommandations pendant que je charge le véhicule de mes affaires, s'il n'y a que ça pour lui faire plaisir, puis je monte dans la Yaris hybride blanche. Je programme le GPS intégré puis relie mon téléphone à l'ordinateur de bord à l'aide du bluetooth, ah ! le progrès.

C'est la première fois que je conduis un véhicule automatique, finalement les conseils étaient de bon aloi. Attention, il n'y a que deux pédales et la tendance est de piler au lieu de freiner. C'est exactement ce qu'il m'arrive en sortant du parking, mais heureusement, le chef mécanicien n'est pas là pour le voir. Il aurait été capable de me faire revenir pour me trouver un vieux véhicule plus « adapté » à mon incompétence évidente.

Et c'est parti. J'apprécie très rapidement le confort de ce véhicule neuf et surtout l'automatisme des vitesses. J'en avais gardé un mauvais souvenir en tant que passagère, mais je vois que de gros progrès ont été réalisés depuis cette époque lointaine où j'étais montée dans une automatique. Je me dirige vers l'autoroute, il n'est plus temps de rêvasser, on m'attend à La Roche-sur-Yon avant 10 heures.

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