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Le cri de la salade

A la demande de mes ami(e)s, je me lance à partager quelques variations épistolaires.

Un homme seul - partie 14

Je reste sur place, encore sous le coup de l'émotion, sous le coup des émotions qui viennent de me bousculer, sans prévenir, avec force.

L'homme du restaurant ! Celui que j'ai regardé en douce, étudié sous toutes les coutures, disséqué comme une grenouille dans un labo scolaire, il y a tout juste une semaine. Celui qui était seul alors que tout le monde faisait la fête et pour lequel j'avais de la compassion. À tel point que j'en avais parlé à mon ami qui m'avait alors proposé, moqueur, de l'inviter à se joindre à nous. Celui qui avait disparu discrètement, entre deux plats. L'homme qui mangeait seul. Quelle coïncidence ! Comme le monde est petit ! Car même si le restaurant n'est pas très loin, qu'elles étaient les probabilités que je tombe sur lui ce soir, surtout dans ce genre de situation de violence ?

Je fini par réagir après un tremblement, j'ai froid, sérieusement cette fois. L'humidité a pénétré mes vêtements, jusqu'à ma peau, je suis transie.

Je réalise que mes affaires sont répandues à mes pieds aussi je me baisse pour les ramasser pêle-mêle et les glisser tant bien que mal dans mon sac à dos. Je pense n'avoir rien oublié, mais je m'en fiche un peu, il est vrai. Au pire, demain il fera jour. Je range mon téléphone devenu totalement inutile, dans ma poche de pantalon et je récupère mes clés afin d'ouvrir la grille de la résidence, puis ma porte d'entrée.

Une fois à l'intérieur, je me déchausse instinctivement, sans même enlever mes lacets et j'abandonne mes chaussures dans le passage. Peu importe, personne ne me rendra visite ce soir et ma fille n'est pas là pour me reprocher mon manque d'ordre.

Je me dirige vers ma chambre, je traîne mon sac derrière moi avant de le lâcher au pied de mon lit. J'ai envie de m'effondrer sur ma couette, mais j'ai trop froid pour cela et je suis trempée de l'humidité du soir, je doute que cela soit très réconfortant.

Je m'en vais à la salle de bain pour remplir la baignoire, comme j'en ai rêvé à mon retour de promenade il n'y a que quelques heures, pourtant cela me semble tellement lointain maintenant. Je mets la bonde en place et j'ouvre le robinet, le réglant sur 40°, il va au moins me falloir ça pour réchauffer mon corps jusqu'aux os. Pour parfaire la détente envisagée, je rajoute quelques gouttes d'huile essentielle de lavande mélangée avec du miel et je récupère des grosses bougies parfumées dans la chambre de ma fille. Au passage, je lui pique son peignoir si doux, elle ne m'en voudra pas. J'ai vraiment besoin de la totale, ce soir.

La baignoire est remplie comme je le souhaite, afin que l'eau recouvre au mieux mon corps. Plus et cela risquerait de déborder.

Je me déshabille rapidement, laissant tomber mes vêtements au sol. Je marche sur mon pantalon avec un pied pour sortir mon autre pied, puis j'inverse le mouvement. Je n'ai pas envie d'y toucher, je me sens comme souillée, curieusement, je pourrais même envisager de les mettre à la poubelle, tant j'ai peur que la prochaine fois où l'envie me prendra de les porter, cela me ramène à ce jour.

J'allume les bougies que j'ai déposées tout autour de la baignoire et je me glisse dans mon bain, doucement, le gros orteil, comme pour goûter, c'est chaud, très chaud. Je prends mon temps, les autres orteils suivent le premier, puis c'est le pied qui glisse dans l'eau, entraînant le mollet. Je fais une pause, histoire de m'adapter à ce changement de température puis je recommence ma lente progression. Le bien-être m'attrape progressivement aussi j'introduis mon autre jambe, tout aussi lentement. Je termine en m'asseyant dans la baignoire. Des fourmillements s'élancent dans mon ventre, l'effet de l'eau chaude s'intensifie, c'est tellement agréable que je m'allonge déjà, la tête posée une serviette épaisse.

Les bras sur le rebord de la baignoire, je ferme les yeux et je tente de me détendre. Je revois l'homme au restaurant face à son assiette bien garnie. Je cherche le vide en moi, pas très douée je dois bien l'avouer car je suis de nouveau face à l'homme mais cette fois il est au volant de sa voiture et passe tout doucement. Je tente de me concentrer sur une petite zone dans mon cerveau, mais le lâcher prise n'a jamais été ma tasse de thé. Maintenant je suis face aux deux hommes qui menacent de s'entre-tuer. Malgré cela, la fatigue aidant, je commence à retrouver mon calme. La flamme vacillante des bougies crée des ombres tremblantes que je vois au travers de mes paupières fermées. Couplées à des petits bruits, l'inquiétude commence à reprendre le dessus. Et si les individus de tout à l'heure revenaient ? Et s'ils n'étaient pas réellement repartis ? Ai-je fermé ma porte ? Je réalise subitement que non. Je me redresse dans mon bain, encore un bruit inhabituel ! Je sors de l'eau et me glisse toute mouillée dans le peignoir, puis, je file en catimini jusqu'à la porte, faisant attention au moindre bruit ou mouvement potentiel. Il n'y a personne. J'arrive jusqu'à l'entrée pour me prendre les pieds dans les chaussures abandonnées un peu plus tôt, et je peste car je me suis fait mal. Ah ! Voilà ce que c'est que de ne pas ranger ses chaussures aussitôt enlevées ! Je glisse la clé dans la serrure et je ferme, à double tour. Ouf, je respire.

Je retourne dans mon bain, l'esprit à peine plus libre et, sans respecter le rituel de tout à l'heure puisque l'eau est maintenant moins chaude, je me laisse sombrer jusqu'à n'avoir que mes cheveux qui flottent au dessus de moi. Les yeux fermés, je retiens mon souffle et me laisse envahir par un semblant de bien-être. Rapidement je me retourne, la tête touchant le fond de la baignoire. J'ai toujours été douée pour l'apnée, aussi j'en profite encore un moment, je me sens légère, comme si je flottais et n'avais plus pied. Finalement je sors la tête pour respirer, mes cheveux couvrent totalement mon visage. Je replonge pour un bref passage dans l'eau afin de dégager mon visage de ma chevelure envahissante. Et pour finir, je m'allonge de nouveau, la tête appuyée sur la serviette. Voilà, cette fois je vais bien, je suis en passe de digérer l'altercation dont j'ai été témoin et la rencontre avec l'inconnu du restaurant.

Je me suis endormie, je n'ai aucune idée de l'heure qu'il est, le silence règne tout autour de moi. L'eau s'est refroidie, mes extrémités sont toutes fripées et un léger torticolis me menace. Je frissonne. Je retire la bonde de la baignoire et je reste dans l'eau bien que son niveau diminue tout doucement. Lentement, la pesanteur reprend ses droits et plus le niveau de l'eau baisse, plus ma masse corporelle grandit. C'est un petit rituel sans grand intérêt mais je ne me suis jamais résolue à l'arrêter.

La baignoire est vidée, je me relève afin de me laver brièvement sous la douche. L'eau qui arrive est froide, très froide, pour commencer, puis se réchauffe enfin. La sensation de bien-être revient, délicieuse. Je me lave rapidement puis termine la douche avec une eau plus froide, histoire de repartir du bon pied. Je ferme le robinet, essore mes cheveux lavés et sors de la douche, directement dans le peignoir, sans même m'essuyer. Une serviette autour de ma tête, je rallume la lumière et souffle les bougies. Je rince enfin la baignoire, ramasse mes vêtements à terre, ils me semblent moins impressionnants finalement. Je les dépose dans le bac à linge sale et me rends dans la cuisine, c'est que la faim est là, bien présente maintenant.

J'ouvre le réfrigérateur à la recherche d'un petit truc rapide et consistant, rien ne m'emballe aussi je me dirige sur le placard pour y prendre un simple paquet de pâtes à cuisson rapide. Moins de dix minutes plus tard, je suis installée devant mon assiette de coquillettes à la sauce pesto agrémentées de copeaux de parmesan. Je déguste ce simple plat réconfortant et ça y est, j'ai repris du poil de la bête ! Je débarrasse, rince ma vaisselle que je glisse dans le lave-vaisselle, puis je vais me laver les dents et enfin, je peux me glisser sous la couverture avec un bon livre entre les mains. Tout vient à point...

Je ne lis pas très longtemps, je sens venir l'endormissement, les mots se chevauchent, perdent leur sens, mes yeux sont toujours ouverts et pourtant, ils ne voient plus réellement. Il est inutile de poursuivre cette lecture qui ne me raconte plus rien. Je pose le livre sur ma table de chevet, éteint ma lumière et cherche ma place dans mon lit, en bonne étoile de mer qui se respecte.

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